Rénovation énergétique : la crise de l’emploi
France Stratégie a présenté le 3 juillet une étude qui prévoit les besoins en emplois dans le secteur de la rénovation énergétique jusqu’en 2030. Pour atteindre la neutralité carbone, il est essentiel d’accélérer considérablement l’activité dans ce domaine.
Cela signifie qu’il faut rénover un grand nombre de logements et de locaux commerciaux, et améliorer leur efficacité énergétique pour qu’ils consomment moins d’énergie. En d’autres termes, il faut viser un niveau de consommation moyen compatible avec le label BBC-rénovation. Et, dans le domaine des services, suivre la progression de décroissance prévue par le décret Éco-énergie tertiaire. France Stratégie met l’accent sur les implications importantes de cette transformation sur le marché du travail et la formation des travailleurs.
250 000 emplois pour la rénovation énergétique
L’étude évalue la capacité du marché du travail et du système de formation à répondre aux besoins en rénovation énergétique dans les 10 prochaines années. Elle tient compte des incertitudes concernant la vitesse à laquelle les rénovations seront effectuées et des différents besoins selon les régions.
France Stratégie donne une estimation du nombre d’emplois supplémentaires nécessaires pour réaliser tous les travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre la neutralité carbone. Selon ses estimations, il faudrait créer entre 170 000 et 250 000 postes.
Dans le même temps, le nombre d’emplois dans la construction pourrait diminuer d’environ 50 000 à 60 000. Soit un besoin de 110 000 à 200 000 créations nettes supplémentaires.
Une nécessité qui est en réalité dès aujourd’hui tangible. En effet, ACTIV, comme beaucoup d’entreprises du secteur, publie actuellement de nombreuses offres d’emploi en Auvergne-Rhône-Alpes. Les postes proposés sont aussi bien techniques que commerciaux, salariés ou indépendants. « Face à la demande croissante en matière de rénovation énergétique, nous créons de nouvelles agences et nous avons besoin de compléter nos équipes« , confirme Lionel POLITI, dirigeant d’ACTIV. « Pour autant, nous constatons bien la difficulté actuelle à réunir un effectif suffisant, du fait de l’insuffisance de nouveaux candidats bien formés« .
Des difficultés à prévoir
L’analyse de France Stratégie prend en compte les besoins spécifiques de rénovation de chaque territoire. Elle montre que les difficultés de recrutement dans les métiers du bâtiment seront sévères dans toutes les régions d’ici à 2030. C’est l’Île-de-France qui devrait connaître les difficultés les plus marquées. Les Hauts-de-France, le Grand Est, le Centre-Val de Loire, la Bourgogne-Franche-Comté et la Normandie devront également créer de nombreux emplois dans ce domaine.
S’adapter dès à présent
Comment faire face à cette augmentation massive de la demande, tout en garantissant le niveau de compétence nécessaire pour réaliser des rénovations performantes ? De nombreuses incertitudes concernent la création d’emplois liée à cette demande.
Du côté des ménages, elle est suspendue aux questions de solvabilité et de coûts restants à leur charge. Parallèlement, du côté des entreprises, la filière de rénovation est très morcelée, ce qui ne favorise pas l’émergence d’une offre de rénovation globale performante. Pour France Stratégie, il est donc essentiel d’adapter l’offre de rénovation et les compétences en tenant compte de ces incertitudes. Cette adaptation doit être engagée dès à présent en travaillant trois axes.
- Augmenter le nombre d’entreprises et de travailleurs capables de répondre à la demande croissante de rénovations énergétiques des bâtiments. Actuellement, il y a trop peu d’entreprises capables de réaliser des rénovations performantes. Seulement 7% d’entre elles sont labellisées « Reconnu Garant de l’Environnement » (RGE). Elles couvrent tout de même 26% des travailleurs, avec des différences importantes selon les régions. C’est justement dans celles qui auront le plus grand besoin de main-d’œuvre d’ici à 2030 que l’on trouve les plus faibles taux de labellisation. C’est ainsi le cas de l’Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
- Développer le vivier de candidats. La main-d’œuvre potentielle provenant de la construction neuve ne sera pas suffisante pour répondre aux besoins de recrutement d’ici à 2030. C’est d’autant plus vrai que ces métiers connaissent déjà des difficultés de recrutement importantes aujourd’hui. Les métiers de l’exécution, tels que les ouvriers qualifiés du gros et du second œuvre, seront les plus touchés en 2030. En cause : le manque d’attrait pour les formations initiales et de nombreux départs en retraite. D’où l’urgence de résoudre ces problèmes en attirant davantage de jeunes dans les formations initiales et en encourageant les transitions professionnelles vers ces métiers.
- Une meilleure performance des travaux de rénovation. Le système actuel ne garantit pas suffisamment la qualité et la performance énergétique des travaux de rénovation, ce qui ne donne pas confiance aux ménages. Il est donc essentiel de renforcer le contrôle des travaux et de former plus de travailleurs à la rénovation performante. Cela implique d’adapter les référentiels de compétences et de certification pour inclure les spécialités spécifiques à la rénovation énergétique. Parmi elles, citons la gestion des interfaces, la coordination entre différents corps de métier ou encore le contrôle de la performance.
Pour France Stratégie, rejointe en cela par de nombreux professionnels, c’est dès maintenant que des actions doivent être engagées dans les directions précédemment mentionnées. La réussite de la transition énergétique n’est possible qu’en équilibrant le marché de la rénovation performante et durable, et cela passe par des mesures concrètes.
Pour Lionel POLITI, « ACTIV rejoint complètement France Stratégie sur l’importance d’investir dans la formation et la constitution d’un vivier de talents qualifiés en rénovation. C’est pourquoi nous nous impliquons beaucoup dans la formation interne. Nous attachons énormément d’importance aux valeurs humaines pour accompagner nos nouvelles recrues dans leur projet professionnel. Car l’expertise et l’expérience peuvent s’acquérir sur le terrain.«